Président heureux de l’US Ivry Handball, malgré une fin de saison pleine de suspens, François Lequeux a pris le temps de dresser le bilan de cet exercice 2023-2024. Et d’envisager la saison à venir qui sera la 66e du club en première division. Une longévité record au plus haut niveau. Interview.
François, le club vient de se maintenir en Liqui Moly StarLigue lors de la dernière journée grâce à une sacrée victoire à Saran. On imagine que, quand on est président, c’est autant de la joie que du soulagement que tu as ressenti ?
Après quelques jours, nous sommes un peu redescendus de notre nuage émotionnel, évidemment. Mais sur le moment, cela a été beaucoup de plaisir de s’en sortir puisque, forcément, nous pouvions imaginer, 4 ou 5 journées plus tôt, que cela allait se passer autrement. Et puis finalement l’enchaînement n’a pas été positif, la pièce n’est jamais tombée de notre côté et nous nous sommes retrouvés comme quelques années en arrière, à jouer un maintien sur la dernière journée. Cela a été difficile car ça nécessite une mobilisation générale, avec beaucoup de pression… mais c’est quelque chose que nous savons faire à Ivry. Cet épisode ne diminue en rien la qualité de ce match et de l’engagement de chacun. La fin est belle et positive et c’est vraiment l’essentiel. Maintenant, nous vivons cette arrière-saison avec enthousiasme, lors des échanges partenaires, lors des rencontres diverses et des moments plus festifs.
Pour autant, on sent qu’il y a un peu de déception, aussi…
Nous avons vécu un moment fort et important pour le club, pour les joueurs qui partent sur une note positive et pour ceux qui restent et poursuivent en première division. Cela a été aussi palpitant en termes de suspens, de scenario, de spectacle sportif. Mais oui tout n’est pas satisfaisant, comme le classement général par exemple. Nous avions l’effectif pour aller au-dessus avec des joueurs forts, expérimentés ou plus fougueux et surtout talentueux. Il y avait une équipe, des joueurs qui sur le papier, qui pouvait faire espérer plus. Après il y a les faits de jeu, les aléas du sport, les blessures et finalement la vérité du 40 x 20.
Cette équipe a néanmoins flirté, régulièrement, avec le très bon, sans réussir toujours à concrétiser, et parfois avec le moins bon. Comment l’expliquez ?
Nous n’avons pas su être à la hauteur de certains rendez-vous, notamment lors du derby retour à Delaune face à Créteil qui aurait pu nous permettre d’enchaîner vers autre chose. Ça questionne sur la préparation de ces matchs, ça questionne sur notre capacité, à un moment donné, à passer une étape.
Et quand on voit un match comme celui face à Saran, il y a une réelle satisfaction et ça donne envie de se dire : « comment on arrive à produire des matchs comme ça plus souvent ? » Quand on voit la qualité de certains joueurs qui seront toujours avec nous comme Arnau Garcia, David Bernard, qui a su être décisif, ou encore Francisco Tavares et Auguste Longérinas, cela veut dire que nous avons de la ressource. Et ce groupe va être renforcé avec d’autres joueurs !
Qu’a-t-il manqué à cette équipe ?
Il nous a probablement manqué un peu plus d’engagement et de combat. On mène de 3 buts sur notre premier match face à Dijon à quelques instants de la fin et on termine sur un nul ; il y a ce but sur coup franc improbable de Brouzet à Chambéry ; on se fait aussi surprendre face à Créteil. J’espère qu’on ne se fera plus avoir de la même façon la saison prochaine. Et puis on a aussi parfois manqué de réussite, tout simplement. Quand ces deux données se mêlent, cela fait vite 3 ou 4 points non gagnés sur la saison. Et c’est ça qui ne nous permet pas de nous sécuriser rapidement pour pouvoir aller en chercher peut-être 3 ou 4 autres, grâce à une certaine « liberté de jeu ». Nous terminons finalement à 16 unités et je pense que nous avions avait une équipe qui pouvait passer la barre des 20.
Tous les joueurs qui restent auront, je l’espère, cette mémoire-là. Le fait de terminer sur une performance collective, avec des choix stratégiques tranchés et difficiles – en particulier le fait qu’Antonin et Lucas n’aient pas joué ce dernier match afin de les protéger – doit amener une dynamique, donner du sens à la suite du projet. Ceux qui restent et qui ont vécu ce déplacement, ont généré quelque chose déjà important pour la saison prochaine.
Au-delà de l’émotion sportive, il y a aussi eu des adieux très émouvants lors de la dernière rencontre à Delaune. Avec beaucoup d’attachement au club démontré de la part des joueurs. Cela doit être une satisfaction d’avoir tissé ce lien avec eux ?
Il y a eu cette dimension aussi. On n’a pas eu de titre avec ce groupe, mais on a vécu de grands moments, de belles victoires et beaucoup d’émotions. C’est un groupe qui avait compris le projet du club dans son ancrage territorial. Pour tout cela, nous avons vécu ensemble de belles années. Maintenant il y a des évolutions, des volontés de voir d’autres choses, de jouer à l’étranger. C’est quelque chose de très légitime quand on pense au cas de Léo Martinez notamment. Je leurs souhaite à tous le meilleur. Nous allons continuer de soutenir certains de nos jeunes, comme Antonin et Lucas qui seront à Saran. C’est sûr que la D2 se joue toujours en même temps que la D1, mais s’ils ne sont pas loin en Ile-de-France, j’irais les voir avec grand plaisir. Nous retrouverons Mate à Delaune la saison prochaine quand il viendra avec Cesson-Rennes. Ce sont des joueurs qui ont démontré qu’ils étaient attachés au club, et pour cela nous pouvons les remercier.
Il y a néanmoins une page qui se tourne…
L’US Ivry Handball va disputer sa 66e saison en D1. Cela nécessite un renouvellement régulier des équipes. Pendant quelques années, il y a des ossatures qui restent. Il y a eu celle autour de Léo. Il y en aura maintenant une autre. Cela fait partie des moments difficiles émotionnellement. Après, sportivement, je pense que c’est totalement nécessaire. Il va falloir trouver des nouveaux automatismes, retravailler la notion de collectif, de faire groupe. Devenir une équipe solidaire et combattante sera le défi du staff et des prochains joueurs qui porteront nos couleurs et ce sera une nouvelle étape qui est plus que normale. On aimerait, parfois, continuer toujours avec les mêmes joueurs mais il y a des logiques sportives, individuelles et des choix de carrière pour certains. C’est dur, mais c’est normal. Il ne faut pas être nostalgique. Il faut savoir d’où l’on vient et où on veut aller. Ivry c’est un projet de jeu. Un projet qui dépasse les acteurs, un projet sur le temps long et ce projet va continuer.
Tu le soulignais, le club sera pour la 66e saison au plus haut niveau. Ça c’est une vraie réussite, non ?
Cela reste extraordinaire en termes de performance. Peut-être que sur le temps court, on ne le voit pas, mais sur le temps long, c’est vraiment quelque chose de fantastique. Une performance qui sera difficile à égaler. 66 saisons en première division, cela veut dire qu’il y a ici un supplément d’âme. Il s’est exprimé sur cette dernière journée notamment, mais aussi dans tout ce qui se passe au quotidien, dans cette culture du sport et de ce que génère le sport pour le plus grand nombre à Ivry. C’est quelque chose de très fort.
Car ce championnat de première division, on l’oublie parfois, est d’une très grande densité…
Le niveau de la D1 ne cesse d’augmenter, vraiment. Les projets se structurent partout. Pour autant, l’argent ne fait pas tout et ça n’est pas parce que l’on a un banc avec des internationaux ou d’anciens grands joueurs qu’ont fait la différence. Nous avons notre politique de formation, la volonté d’allier des jeunes talents et des joueurs clubs, trouver aussi des talents venant de l’étranger. Cela a du sens. Et quand tout le monde se saisit de ce projet global, les joueurs sont, ici, dans une démarche différente. C’est toujours la question de ce qu’est le sport de haut niveau et à quoi il sert. Ici nous avons des réponses à cela. Dans le quotidien, on voit les émotions qui sont générées. On génère du commun à Ivry, du partage, de la vie et de l’envie. C’est notre perspective, être un club citoyen et engagé.
Le club va changer de statut dans les mois à venir. Pourquoi ?
Cela est nécessaire au regard du code du sport. Maintenant, il faut trouver le format de société qui nous ressemble. Il y a plusieurs possibilités. Nous cherchons un format de société qui est dans une réflexion partagée, où les uns et les autres peuvent avoir une voix. Le point d’atterrissage, ce sera janvier prochain avec une mise en œuvre en juin 2025. Il faut trouver une construction qui permettent d’élargir la place de chacun, qui permettent aux partenaires privés et publics d’avoir plus de place, mais aussi aux supporters, aux anciens joueurs, aux salariés, donc on travaille, on voit ce qui est possible, car dans le sport les modèles sont souvent identiques. Ce passage en société doit générer une nouvelle dynamique pour le club, pour une augmentation de moyens financiers. Nous avons souvent été à l’avant-garde à Ivry en ce qui concerne les organisations club, notamment via le centre de formation qui était en place dès 1997/1998. Il va falloir trouver un modèle innovant et audacieux, mais de manière concrète. Il faut passer de la parole aux actes.
Quelles sont les ambitions sportives pour la saison prochaine ?
Nous souhaitons clairement nous installer plus sereinement dans le milieu de tableau pour espérer prétendre à autre chose ensuite. Mais dès maintenant, c’est compliqué de se projeter avec un groupe qui doit se construire. Est-ce que l’on a des talents à Ivry ? Oui ! Nous avons les ingrédients pour avoir des prétentions. Toute la difficulté va être de construire ce collectif, au-delà du projet de jeu, d’avoir un projet commun, marcher ensemble dans une même direction. Il faudra se nourrir de ce qui a fonctionné cette saison, mais aussi et surtout de ce qui n’a pas fonctionné. Il faut être capable de regarder dans le rétro, avec honnêteté, à tous les étages du club. C’est important de se remettre en question pour se projeter. Mais nous sommes heureux, notamment, avec des futurs joueurs talentueux comme Mathis Beauchef, ou encore le fait d’avoir vu Toke Schröder s’exprimer avec Istres, ou encore Gretar Gudjonnson avec Sélestat, lors des finales de ProLigue. Nous avons de belles perspectives à venir.